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Posidonie
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La posidonie : une cathédrale des mers

5 min

Description

Ces herbiers marins absorbent le CO2 cinquante fois plus vite qu’une forêt tropicale, mais ils sont menacés d'extinction.

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« La structure de la posidonie est magnifique : on dirait une cathédrale », s'enthousiasme le Dr Mateo Minguez, en joignant ses mains pour former une voûte. « Elle possède une beauté intérieure, une biodiversité immense ; le sédiment en dessous de la plante, c’est la crypte de la cathédrale, ses archives historiques. » Le Dr Minguez est à la tête du GAME (Group of Aquatic Macrophyte Ecology), rattaché au Conseil supérieur de la recherche scientifique espagnole. Il a consacré sa vie à l’étude et à la protection de la posidonie, grande plante à fleur aquatique vert émeraude présente uniquement en mer Méditerranée. Depuis les côtes de la Sicile jusqu’aux rivages égyptiens, cette herbe absorbe le CO2 cinquante fois plus vite que les forêts vierges.
 

Un coffre-fort efficace

« Cette espèce est vraiment exceptionnelle. Ses feuilles peuvent mesurer entre un et deux mètres ; ensemble, elles forment de véritables forêts sous-marines », raconte Mateo Minguez. Les posidonies ne gagnent que deux centimètres par an ; elles fleurissent en automne et perdent leurs fruits, qui s’échouent sur les rivages - les habitants de la région les surnomment « olives de mer ». Un seul mètre carré de posidonie produit vingt litres d’oxygène par jour, ce qui explique son autre nom : le  « poumon de la Méditerranée ». Elle absorbe le CO2 par photosynthèse - comme les arbres -, puis le transforme en matière organique avant de l’enfouir dans le sol, pour former une couche de sédiment luisant et vaseux. Le carbone constitue entre 30 et 50 % de son poids ; on parle de « carbone bleu ». D’autres écosystèmes séquestrent aussi très bien le CO2, comme les mangroves et les marais salants.

Le chiffre clé

25 %

L’océan absorbe environ 25 % des émissions mondiales de CO2.

Le carbone bleu de la posidonie a un protecteur des plus puissants : l'eau de mer. « L'eau limite la quantité d’oxygène capable d’atteindre le carbone », explique le professeur Paul Lavery, écologiste marin, depuis son domicile situé dans l'outback australien ; « et sans oxygène, le carbone ne peut pas se décomposer et se transformer en CO». Les herbes marines sont donc un coffre-fort très efficace. Leur impact est mondial. Il faut savoir que l’océan couvre 71 % de la surface de la Terre et absorbe environ 25 % des émissions mondiales de CO2 ; comparativement, les herbes marines comme la posidonie ne couvrent que 0,2 % de l'océan, mais enfouissent 27,4 Tg de carbone par an (soit 10 % du carbone enfoui dans les sédiments de l'océan). Un seul herbier peut emprisonner du carbone pendant des siècles ; dans les forêts terrestres, en revanche, les taux de séquestration commencent à baisser au bout d’une trentaine d’années. Si l'herbier et ses sédiments ne sont pas perturbés, le carbone peut être enfermé en toute sécurité pendant des millénaires. Année après année, les herbes stockent la matière organique et le fond marin s’élève sous les posidonies. Comme le fait remarquer le Professeur Minguez, cela signifie que la plante peut faire face à l'élévation du niveau de la mer : « Une forêt qui s’élève peu à peu : c’est du jamais vu ! », s’exclame-t-il.

 

Pas facile d’être vert

La posidonie constitue un écosystème marin ancien et puissant. Elle nous offre de l'oxygène, une eau claire bleu azur, et constitue un réservoir de biodiversité, abritant plus de 1 000 espèces animales et 400 espèces végétales. Mais elle est en danger.

De grandes quantités de nutriments s'écoulent dans l'océan (ils proviennent de différentes sources, depuis nos toilettes jusqu’aux ruissellements agricoles), ce qui trouble les eaux et bloque la lumière du soleil, affamant ainsi la plante.

Les posidonies peuvent aussi être détruites par l’activité humaine. Elles sont notamment emportées par le dragage des chenaux maritimes, le chalutage, les ancres des bateaux à quai et la construction d’infrastructures côtières.

« Au fil des cinquante dernières années, nous avons perdu 34 % des herbiers de posidonies. »

Mateo Minguez, écologue.

Triste évidence : le changement climatique a lui aussi un impact sur la posidonie. L'eau de mer se réchauffe, or cette plante ne résiste pas à des températures supérieures à 38 degrés pendant plus de deux jours. Mais ces cas de figure sont appelés à « devenir de plus en plus courant », alerte Paul Lavery. Pour l'heure, ces plantes disparaissent plus vite qu'elles ne se développent. « Nous perdons les herbiers sous-marins à raison de 5 % par an », constate Mateo Minguez. « C'est dramatique. Au fil des cinquante dernières années, nous avons perdu 34 % des herbiers de posidonies. »

Les projets de conservation se sont toutefois multipliés dans toute la Méditerranée. Des initiatives telles que la Red Eléctrica Marine Forest replantent des jeunes pousses avec minutie le long de la côte de Majorque. Pas moins de 12 800 boutures et graines de posidonies sont étroitement surveillées, et les forêts se régénèrent lentement. Malgré les destructions, les efforts des scientifiques et la coopération des communautés côtières (qui dépendent des bienfaits des herbiers) permettent d’espérer : le glas de la posidonie n’a peut-être pas encore sonné.