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Sur Instagram, les chefs végans sont de plus en plus populaires

"On se réveillait en sang presque tous les matins, mon frère et moi", raconte Adrian Wu depuis Taipei. "Je suis sûr que ça devait traumatiser ma mère, de voir nos visages couverts de sang tous les matins… Personne ne savait pourquoi. On prenait beaucoup de traitements de médecine chinoise. J’étais tout maigre. J’avais la jaunisse." Et puis un jour, Adrian et son frère sont allés passer quelques jours chez un ami de la famille. Il leur a donné du lait de soja, de  cacahuètes et de sésame (des laits végétaux très courants à Taïwan) ; ils ont enfin commencé à se remplumer. La mère des deux garçons n’en croyait pas ses yeux. Quelques années plus tard, Adrian est devenu végan, comme beaucoup de "millenials" ; ses symptômes ont disparu. Il fait désormais partie d’un groupe de chefs végans influenceurs sur Instagram. Chez eux, tout est fait maison, les plats et les vidéos, la cuisine et l’édition. C’est ainsi qu’ils sont devenus célèbres et influents – depuis leur cuisine, devant leurs propres caméras. Mais au-delà des raisons de santé, comment expliquer cette tendance ?
 

Question de nécessité

Ces dernières années, l’impact de l’industrie agro-alimentaire sur la crise climatique a laissé un goût amer dans l’opinion publique. Le credo végan selon lequel il est nécessaire de limiter notre consommation de produits d’origine animale pour réduire notre impact sur l’écologie mondiale n’est plus une simple opinion : c’est un fait vérifiable. Notre consommation de viande a atteint des proportions gargantuesques et n’est plus viable. Chaque année, plus de 70 milliards d’animaux sont élevés et abattus pour être mangés, et deux tiers d’entre eux passent par l’élevage industriel. Ils sont donc enfermés dans des cages ou des enclos de métal surpeuplés, sans voir la lumière du soleil. La consommation massive de produits d’origine animale continue de mettre la planète sous pression et représente 11 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre. L’impact du régime végan ne peut être sous-estimé.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes

Pour la cheffe instagrameuse WoonHeng Chia, la saveur passe encore avant tout. "Un jour, j’ai préparé des pilons de poulet végan en utilisant de la peau de soja et les gens n’en croyaient pas leurs yeux : on me disait ‘on dirait vraiment un pilon de poulet !’" raconte-t-elle. WoonHeng a grandi en Malaisie ; elle est arrivée aux États-Unis il y a trente ans. "Ce sont les aliments qui ont bercé mon enfance, ceux que j’avais hâte de retrouver au marché sur les étals végétariens. Ces pilons sont cuisinés à base de yuba, de la peau de tofu". Les vidéos de WoonHeng engrangent des millions de vues ; on la suit depuis les quatre coins du monde. Il s’agit là d’une révolution visuelle, mais aussi culinaire : les omnivores et les végétariens qui veulent "le voir pour le croire" peuvent assouvir leur curiosité avant de sauter le pas. Pour WoonHeng, la clé de la transition est souvent là : l’excitation de voir la version végane (soja, champignons…) de son plat de viande favori peut motiver l’arrêt de la consommation de produits d’origine animale.
  

Le port d’attache numérique du véganisme

Plutôt jeune, la cuisine végane s’invente au jour le jour. Rien d’étonnant donc à ce que les plus grandes idées naissent sur les réseaux sociaux, un support qui crée des liens instantanés entre les gens. "Les gens s’entraident au jour le jour", explique Zacchary Bird, chef végan australien. Son dernier livre, "The Vegan Butcher" (le boucher végan), a reçu le soutien de la première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern et de la célèbre cuisinière britannique Nigella Lawson. "Je peux citer un superbe exemple de la manière dont les réseaux sociaux et le véganisme ont grandi main dans la main: l’aquafaba, le liquide présent dans les conserves de pois-chiches qui remplace à merveille les blancs d’œuf. En retraçant son histoire, on se rend compte que tout a commencé par un groupe Facebook intitulé ‘meringue vegan : tentatives plus ou moins réussies". La popularisition de l’aquafaba et d’autres produits de ce type montrent à quel point l’industrie de l’alimentation végane a le vent en poupe.

Alors que les tendances véganes ne cessent de gagner en popularité en ligne, force est de constater que la révolution végane passe par deux facteurs clé : un appétit de bons petits plats, et un appétit de communauté. "Nous tirons parti de la puissance des réseaux sociaux pour tester de nouveaux produits et de nouvelles idées, puis  pour les partager avec la communauté, en tant que communauté", résume Zacchary.