Hero banner custom title
Où se cache la biodiversité en ville ?
4 min
Les espaces urbains semblent parfois dépourvus de vie sauvage, mais ils abritent en réalité une biodiversité à la richesse insoupçonnée. Il suffit de savoir où regarder.
La biodiversité peut être définie comme la diversité de tous les être vivants – dont les plantes, les animaux et les champignons. La quasi-totalité des formes de vie font partie de la biodiversité, des punaises de lit aux plants de menthe en passant par les tigres.
Quand on arrive en ville
Aussi surprenant que cela puisse paraître, deux des plus grandes métropoles de la planète (São Paulo et Mexico) comptent parmi les villes abritant la plus grande biodiversité. São Paulo est située entre la forêt tropicale atlantique et la savane du Cerrado, deux biomes particulièrement riches. Mexico, quant à elle, a été bâtie sur l’ancien lit d’un lac, dans une région où se trouvent plusieurs volcans boisés. Selon un article publié en 2017 par le Guardian, la capitale mexicaine abriterait 2 % des espèces de la planète. Si les grandes zones urbaines nous semblent parfois dépourvues de vie, la recherche nous montre qu’il n’en est rien : la nature parvient bel et bien à pénétrer au cœur même de la ville.
Ricardo Rocha, écologue de la conservation et chercheur post-doctorant à l’université de Porto (Portugal), estime que la biodiversité est facile à dénicher : il suffit d’ouvrir les yeux pour la trouver. « On constate une certaine méconnaissance de la biodiversité dans les espaces urbains, constate-il. Et je pense que c’est en grande partie dû à une mauvaise sensibilisation du grand public. En règle générale, nous n’avons pas conscience de la biodiversité qui nous entoure : nous n’y sommes pas réceptifs, donc nous n’y prêtons pas attention. »
Plus de la moitié de la population mondiale vit en zones urbaines, et nous avons tendance à penser que la nature ne peut s’épanouir qu’en dehors de ces espaces. On a longtemps considéré les villes comme des environnements stériles, tout juste bons à abriter des humains, des voitures et des bâtiments ; or elles peuvent s’avérer être des alliées insoupçonnées pour la faune comme pour la flore, en servant notamment de refuge à plusieurs espèces végétales et animales.
« En règle générale, nous n’avons pas conscience de la biodiversité qui nous entoure : nous n’y sommes pas réceptifs, donc nous n’y prêtons pas attention. »
Changeons de perspective : au lieu de considérer nos villes comme des environnements hostiles à la nature, considérons-les comme des habitats non conventionnels dans lesquels la biodiversité peut s’adapter. On constate d’ailleurs que plusieurs espèces s'accommodent parfaitement de la présence humaine. Les cafards, les souris et les pigeons comptent parmi les exemples les plus évidents tant ils abondent dans la plupart des villes. « On parle d’espèces ‘synanthropes’, parce qu’elles sont prédisposées à la cohabitation avec les humains », précise Ricardo Rocha. Certaines espèces se sont adaptées à l’espace urbain, et y prolifèrent sans problème. « Les martinets et les hirondelles avaient pour habitude de nicher dans les falaises. Ces oiseaux font désormais leurs nids dans des bâtiments à la structure similaire, et continuent de se nourrir des insectes qui volent au-dessus de notre paysage urbain », ajoute le chercheur.
Sous les pavés les plantes
De la même manière, les plantes constituent d’excellents exemples de formes de biodiversité résistantes et capables de s’adapter à l’environnement urbain. De plus en plus de municipalités s’efforcent de rendre leurs villes plus vertes, mais les citadins oublient souvent la propension qu’a la verdure à surgir naturellement du béton. Du thym aux marguerites en passant par les sycomores (et même les mousses), nos villes regorgent de variétés végétales bien plus originales que le traditionnel gazon des parcs municipaux. Soucieux d’instruire les citadins, des « botanistes rebelles » ont décidé de souligner la biodiversité des rues de plusieurs villes, dont Londres, en écrivant des observations à la craie sur murs et trottoirs. Il existe également des cueilleurs urbains, comme le britannique John The Poacher ; ce dernier alimente les plus grands restaurants de ses produits locaux récoltés dans le borough de Hackney, dans le Grand Londres.
Selon Ricardo Rocha, le meilleur moyen de révéler la biodiversité cachée des villes serait d’identifier les ressources propices à l’épanouissement de certaines espèces. « Est-ce que tel ou tel animal a besoin d’eau pour se reproduire ? Peut-il se contenter des fonds de poubelle pour se nourrir ? Est-ce que cette plante a besoin d’humidité pour s’épanouir ? », s’interroge-t-il. Si nous souhaitons voir la nature s’épanouir de nouveau, le chercheur estime qu’il nous faut adapter nos espaces urbains aux besoins des espèces concernées. Il précise toutefois que toute personne armée d’une encyclopédie des plantes (et d’une bonne dose de curiosité) peut déjà faire beaucoup de bien à la biodiversité.
« Il en va de notre responsabilité de concevoir des espaces urbains adaptés et aussi accueillants que possible pour la biodiversité. »
Comme nous l’ont montré les botanistes rebelles, la biodiversité peut se nicher à tous les coins de rue. Regardez entre les fissures du trottoir, et vous verrez des fleurs épanouies là où vous ne pensiez trouver que de la mauvaise herbe. Observez la voie d’une station de métro, et vous découvrirez l’univers complexe des rongeurs. L’observation peut se poursuivre au cœur même de notre domicile : en effet, certaines petites bêtes en disent long sur notre propre environnement. Prenons l’exemple des poissons d’argent, qui prospèrent dans les endroits humides. Au lieu de les voir comme des nuisibles, pourquoi ne pas les considérer comme des indices - et remonter leur trace jusqu’à un potentiel dégât des eaux ? Le mot de la fin de Ricardo Rocha : « Il en va de notre responsabilité de concevoir des espaces urbains adaptés et aussi accueillants que possible pour la biodiversité. »