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Les biocarburants sont-ils sans danger pour l’environnement ?
3 min
Saviez-vous que le premier moteur à combustion interne mis au point par Nikolaus Otto en 1876 fonctionnait avec de l’éthanol ? Et que la célèbre Ford T roulait elle aussi avec cet alcool ? Produit à partir de sucre de betterave ou de céréales, l’éthanol fait partie des « biocarburants » obtenus à partir de biomasse. Incorporés dans les carburants d’origine fossile, ces derniers contribuent à réduire l’impact environnemental du secteur des transports, responsable de 25% des émissions de CO2 dans le monde. Mais qu’en est-il vraiment ? Les biocarburants sont-ils une alternative viable aux énergies fossiles ? Ont-ils des coûts environnementaux cachés ?
Tour d’horizon des biocarburants
Le préfixe « bio » ne veut pas dire que les biocarburants sont écologiques mais qu’ils sont issus de matières organiques végétales comme la betterave, le colza, le tournesol, le blé, le maïs ou encore les déchets agro-forestiers. Deux sortes de biocarburants peuvent-être produits à partir de ces sources de biomasse :
- Le bioéthanol, un alcool issu de la fermentation des sucres ou de l’amidon des plantes, que l’on peut incorporer dans les moteurs à essence
- Le biodiesel, destiné aux moteurs diesel et produit à partir d’huiles végétales, d’huiles usagées ou encore de graisses animales.
Dans les deux cas, ces biocarburants sont additionnés aux carburants traditionnels, comme le Sans Plomb 95 et 98, sans que cela ne nécessite d’adaptation du réseau de distribution ou des véhicules. Avec, à la clé, une réduction des émissions de gaz à effet de serre pouvant atteindre 60 % par rapport à l’utilisation de carburants fossiles seuls.
Un bilan environnemental contrasté
Selon l’Agence internationale de l’Energie (AIE), la demande en biocarburants devrait augmenter de 28 % d’ici 2026 pour atteindre 186 milliards de litres contre 157 milliards en 2021.
Cette croissance est portée par les États-Unis, suivis de près par l’Asie et l’Europe. Le développement de la bioénergie répond en effet à des objectifs environnementaux faisant l’objet de politiques volontaristes, à l’instar du paquet législatif sur le climat et l’énergie fixé par l’Union Européenne.
Toutefois, ces avantages sont contrebalancés par l’impact écologique des cultures des matières premières agricoles nécessaires à la production des biocarburants. Comme le souligne Timothy D. Searchinger, chercheur au Centre de recherche politique sur l’énergie et l’environnement de l’Université de Princeton : “Un quart des émissions de CO2 provient du changement d’affectation des sols, de la déforestation et de l’agriculture. Lorsque nous produisons des biocarburants, nous ne faisons que transférer le problème des combustibles fossiles à l’utilisation des sols”
Les terres mobilisées pour faire pousser les végétaux transformés en biocarburants représentent autant de cultures qui ne sont pas destinées au secteur alimentaire. L’augmentation de la demande en biocarburants implique également de trouver de nouveaux espaces, ce qui entraîne une aggravation de la déforestation et un appauvrissement des écosystèmes naturels, avec un impact direct sur le réchauffement climatique. Une étude de l’association Environmental Action Germany met ainsi en évidence le coût environnemental des biocarburants en Allemagne.
D’un côté, les biocarburants mélangés avec des carburants fossiles ont permis d’éviter l’émission de 9,2 millions de tonnes de CO2 en 2020.
De l’autre, si les terres où se développent ces monocultures étaient recouvertes de végétation naturelle, elles seraient capables de stocker 16,4 millions de tonnes de CO2 par an en moyenne. Comme le résume Joe Fargione, directeur scientifique pour la région Amérique du Nord de l’organisation de protection de l’environnement The Nature Conservancy : “Si vous imaginez une prairie et un champ de maïs, il y a beaucoup plus de carbone dans le sol de la prairie. Lorsque vous convertissez une prairie en champ de maïs, ce carbone doit aller quelque part. Il va dans l'air sous forme de dioxyde de carbone et contribue au changement climatique. Tout biocarburant qui entraîne le défrichement d'écosystèmes naturels causera une "dette de carbone" qui prendra des années à être remboursée.”
Quel avenir pour les biocarburants ?
Si le recours aux biocarburants engendre donc des effets contre-productifs, en capturant moins de CO2 que ne le feraient des écosystèmes laissés intacts, comment relever le défi de la mobilité durable ? L’une des pistes est de privilégier les biocarburants dits de deuxième génération qui n’entrent pas en concurrence avec les cultures alimentaires. Ils sont, en effet, produits à partir de résidus agricoles, déchets forestiers ou huiles de cuisson usagées et pourraient représenter jusqu’à 45% des biocarburants consommés en 2030 selon l’AIE. A condition de développer de nouvelles technologies permettant d’accroître le rendement et de baisser les coûts de production. L’utilisation de ces carburants alternatifs intéresse notamment le secteur de l’aviation : incorporés en mélange avec le kérosène, ils pourraient réduire de 50 à 90 % les émissions de gaz à effet de serre du trafic aérien. Autre piste pour l’avenir : on parle déjà des biocarburants de troisième génération, produits à partir de micro-algues.
Pour dresser le bilan environnemental des biocarburants, chaque étape doit donc être prise en compte, de la culture des matières premières végétales à leur utilisation finale, en passant par les procédés de transformation. Au-delà, de nombreux chercheurs rappellent la nécessité de remettre à plat nos habitudes de déplacement et de miser sur un panel de solutions pour opérer une vraie transition. Une transition à même de répondre au défi de la mobilité durable.