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Les pales d’éoliennes se recyclent aussi
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Que faire des millions de tonnes de pales d’éoliennes usagées qui devront être traitées au cours des prochaines décennies ? Une solution originale émerge aux États-Unis : utiliser les éoliennes d’hier pour la fabrication de ciment.
L’éolien a le vent en poupe. Plus de 22 000 nouvelles éoliennes ont été érigées à travers le monde en 2019 et, selon le Global Wind Energy Council (GWEC), la capacité installée mondiale de l'éolien devrait s'élever à 71,3 GW en 2020, de plus en plus de pays se tournant vers cette source d'énergie décarbonée pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
En parallèle, de nombreuses éoliennes de première génération, celles installées en Europe ou en Amérique du Nord à la fin du XXe siècle, arrivent en fin d'exploitation (la durée de vie moyenne d’une éolienne est de 20 ans).
Or, si leur bilan carbone est bon, selon l’Ademe, les éoliennes sont toutefois difficiles à recycler, en particulier les pales – dont certaines peuvent mesurer 30 m de long – fabriquées en matériaux composites, majoritairement de la fibre de verre.
L'université de Cambridge estime qu’il y aura 43 millions de tonnes de pales usagées d’ici 2050. Sans traitement adéquat, elles risquent de s'empiler dans les décharges.
Cela fait plusieurs années que Veolia travaille à trouver des solutions pour donner une seconde vie à ces lames. En 2020, Veolia North America (VNA) a franchi un cap avec GE Renewable Energy avec pour objectif le recyclage des pales dans le cadre du « revamping » (remplacement de certaines pièces) ou du « repowering » (démantèlement) des parcs d'éoliennes terrestres de la filiale de General Electric aux États-Unis.
Co-traitement en four à ciment
Au-delà d’une valorisation énergétique, ce contrat vise à transformer les pales en matière première utilisée dans la fabrication de ciment grâce à un procédé de co-traitement en four à ciment. « Nous avons eu l’idée d’analyser la composition d’une pale d’éolienne pour voir si un ou plusieurs de ses constituants pouvaient être utilisés pour d’autres applications, raconte Bob Cappadona, directeur de l'exploitation de la division Solutions et services environnementaux de VNA. Ce que nous avons découvert, c'est que certains matériaux entraient également dans la composition du ciment. »
« Nous avons eu l’idée d’analyser la composition d’une pale d’éolienne pour voir si un ou plusieurs de ses constituants pouvaient être utilisés pour d’autres applications. Ce que nous avons découvert, c'est que certains matériaux entraient également dans la composition du ciment. »
« À partir de là, poursuit-il, nous avons pu développer une solution et construire des partenariats avec un réseau de cimentiers souhaitant utiliser les pales d'éoliennes comme matériau de substitution. Ainsi, ces pales ne sont plus seulement broyées et brûlées pour récupérer de la chaleur, elles sont également transformées en matières premières et intégrées dans le processus de fabrication du ciment. »
Le processus de recyclage démarre sur le terrain, dans les fermes éoliennes. Une fois retirées des éoliennes, les pales sont sectionnées et chargées dans un camion qui les achemine vers un site où de puissantes machines les déchiquettent en plus petits morceaux. Ces morceaux sont ensuite transportés dans une usine de Veolia dans le Missouri, où ils subissent un nouveau broyage pour atteindre la taille de petits cailloux.
« Nous devons appliquer une recette très spécifique, détaille Bob Cappadona. Nous disposons de divers équipements de déchiquetage et de broyage qui nous permettent de réduire les lames à des tailles et des formes acceptables pour entrer dans les fours à ciment. »
Un ciment plus vert
Grâce à ce procédé, plus de 90% du poids des lames est valorisé : 65 % comme matière première, remplaçant le sable, l’argile et d’autres matériaux, et 28% comme carburant alternatif, remplaçant le charbon pour fournir l'énergie nécessaire à la réaction chimique dans le four à ciment. Le ciment ainsi produit présente les mêmes propriétés que le ciment traditionnel.
En recyclant les lames déclassées de cette manière, Veolia et GE Renewable Energy apportent une solution à la problématique de la gestion de fin de vie des éoliennes et une aide précieuse aux cimentiers désireux de réduire leur empreinte carbone.
Une analyse de l’impact environnemental menée par Quantis U.S., un cabinet de conseil en développement durable, estime que le recyclage des pales par co-traitement dans les fours à ciment pourrait permettre une réduction de 27% des émissions de CO2.
Ce contrat unique en son genre dans l'industrie éolienne américaine prévoit de valoriser des milliers de pales d’éoliennes dans les années à venir.