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chercheuse et plantes
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Des plantes mangeuses de métaux pour dépolluer les sols

6 min

Description

C’est une très bonne nouvelle pour l’environnement : une solution se profile à l’horizon pour nettoyer les sols d’anciennes usines ou sites miniers souvent très pollués. La chercheuse française Claude Grison a identifié des plantes qui stockent cette pollution dans leurs feuilles, et a mis au point un procédé qui permet de valoriser ces déchets végétaux porteurs de métaux lourds dans l’industrie.

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C’est une pollution invisible, mais que l’on retrouve à grande échelle. La pollution des sols est parfois très dangereuse pour les personnes qui y sont exposées, souvent sans le savoir. Zinc, magnésium, nickel, cuivre, arsenic, plomb, cadmium, contaminent les végétaux, les nappes phréatiques ou les rivières à proximité, et les organismes humains. Pourtant, les anciens sites industriels et miniers sont souvent laissés à l’abandon, sans réhabilitation. La raison ? Dépolluer est, jusqu’à présent, très coûteux, et basé sur des méthodes peu satisfaisantes (excavation des terres puis traitement chimique, confinement de la pollution, etc.). 

C’était sans compter l’ingéniosité de Claude Grison, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) français. Cette passionnée de chimie verte a découvert des plantes capables d’extraire les métaux polluants. Sa startup, BioInspir, arrive même à récupérer ces métaux et à les valoriser économiquement. On vous explique ! 

Dépolluer à l’aide de “super plantes” terrestres, aquatiques, et de zones humides

“Les premières se sont adaptées à une forte pollution en développant la capacité à l’extraire par les racines puis à la transférer dans leurs feuilles, afin de s’en protéger, comme des hyperaccumulateurs de métaux”, explique Claude Grison. Côté zones humides et aquatiques, la chercheuse a sélectionné des plantes flottantes : “car dans leur milieu de vie naturel, elles doivent réussir à se nourrir sans que leurs racines ne pénètrent le sol, et elles ont donc développé un système racinaire qui capte le moindre nutriment qui passe dans l’eau, mais aussi le tout élément métallique”. Miracle de la nature, réduites en poudre, ces racines gardent leurs propriétés dépolluantes dans une eau contaminée. 

Dépolluer d’abord, récupérer les métaux lourds ensuite

La méthode développée par Claude Grison est une solution 2-en-1. Premièrement, la pollution est captée dans les feuilles ou dans les racines, ce qui est déjà une excellente nouvelle! Mais la méthode Grison va plus loin : la chercheuse et son équipe ont mis au point un procédé qui valorise cette matière polluée.

“Que la plante soit terrestre ou aquatique, quand elle a exercé son travail de dépollution, nous ne voulions pas générer de déchets contaminés, mais plutôt que cette poudre végétale ou cette feuille riche en métaux ait une utilité, et que cette activité ne soit pas polluante”

Claude Grison, Directrice de recherche au CNRS

Elle a donc breveté “l’écocatalyse”. “C’est un peu comme dans un groupe humain qui a un projet à bâtir : il y a souvent une personne avec une bonne idée qui est un déclic pour l’ensemble. On va dire que c’est le catalyseur du groupe. En chimie c’est pareil : pour que les molécules puissent réagir ensemble, il faut mettre un booster, un catalyseur”, explique Claude Grison. Dans la réalité, nombre de réactions recherchées en chimie ont besoin de catalyseurs. Par exemple pour fabriquer des médicaments, des parfums, dans la cosmétologie.... 
 
Beaucoup de ces catalyseurs sont, en fait, des métaux lourds. Puisqu’elles en sont chargées, les plantes utilisées par Claude Grison, si elles sont réduites en poudre, peuvent devenir des éco-catalyseurs !

Grossièrement, au lieu de mettre une pincée de nickel pour obtenir telle réaction chimique, l’industrie peut utiliser ces poudres pour obtenir le même résultat. Et cela tout en permettant de résoudre un problème de pollution, de recycler un matériau contaminé, et sans extraire de la Terre de nouveaux métaux lourds !

“Les écocatalyseurs doivent pouvoir remplacer les catalyseurs métalliques qui viennent de l'extraction minière, car celle-ci a un impact environnemental terrible” souligne la chimiste verte. Pour cette invention, Claude Grison a obtenu le Prix de l'inventeur européen 2022 dans la catégorie “Recherche” décerné à Munich en juin par l'Office européen des brevets (OEB). 

Pour l’instant, BioInspir, ne travaille qu’avec les plantes de zones humides ou aquatiques car la dépollution est immédiate (alors que la dépollution terrestre par les plantes peut prendre des décennies). La société de Claude Grison compte déjà parmi ses clients de grands groupes de l’industrie pharmaceutique, de la cosmétologie et du parfum. Quelle découverte !