Hero banner custom title
L’agriculture bio peut-elle nourrir toute la planète ?
4 min
Rendez-vous sur n’importe quel marché de la planète et vous verrez de nombreux étals de produits biologiques. Les menus des restaurants mettent fièrement en avant leurs ingrédients et leurs plats bio. On nous appelle de plus en plus à « acheter bio », mais qu’y a-t-il derrière ce mantra ? Par ailleurs, et de manière plus importante, à l’heure où la lutte contre le réchauffement climatique s’avère de plus en plus urgente, quelle différence en termes d’impact écologique entre nourriture biologique et non-biologique ?
Agriculture bio contre agriculture traditionnelle
L’apparition du bio remonte aux années 1940, mais l’agriculture biologique a récemment connu un véritable essor – essor principalement dû aux conséquences perçues de l’agriculture industrielle. Le Dr Shahid Naeem, professeur à l’université de Columbia (États-Unis), estime que l’agriculture industrielle est « basée sur la monoculture, à laquelle on associe des engrais synthétiques, des biocides, un labourage agressif (et souvent la mécanisation et l’irrigation) pour maximiser la production ».
Et cette maximisation a bien eu lieu. Pour preuve, des chercheurs ont réalisé une méta-analyse de 66 études afin de comparer la productivité des agricultures biologique et non-biologique. Ils n’ont remarqué aucune différence notable entre les rendements de fruits, de tomates, de haricots ou de graines oléagineuses ; en revanche, la productivité de l’agriculture bio était inférieure à celle de l’agriculture industrielle dans certains domaines : -27 % pour le blé et le maïs bio (entre autres céréales), et jusqu’à -33 % pour les légumes bio.
Les pratiques agricoles industrielles accélèrent purement et simplement le processus naturel de croissance, augmentant par là-même la production alimentaire. Mais quid de l’impact écologique de cette hausse de productivité ?
« Les coûts environnementaux associés à l'agriculture industrielle comprennent les émissions de gaz à effet de serre, la contamination des cours d'eau via l'utilisation excessive de pesticides et d'engrais, la déforestation et la perte de biodiversité ».
A la recherche du juste milieu
« Je pense que nous pouvons modifier les systèmes agricoles pour qu’ils fonctionnent davantage comme des systèmes naturels, et modifier les systèmes naturels pour qu’ils nous soient plus utiles », affirme le Dr Naeem. En Europe, par exemple, les agriculteurs plantent souvent des haies pour délimiter les terres en lieu et place de clôtures. Ces structures linéaires composées d'arbres, d'arbustes et de plantes diverses densément plantées ajoutent des éléments « sauvages » à des terres cultivées jusqu’alors uniformes. Elles offrent ainsi un foyer aux insectes et aux oiseaux, favorisent la biodiversité et réduisent les besoins en eau. On peut observer une autre façon de marier nature et agriculture dans certains vignobles de Californie : au lieu d'utiliser des rodenticides chimiques pour éliminer les rongeurs nuisibles qui détruisent les cultures, des chercheurs ont installé des nichoirs pour héberger des chouettes effraies. « Les chouettes s'attaquent aux rongeurs excédentaires – ce qu'elles font déjà dans la nature », explique le Dr Naeem. « Cette solution est très organique. C'est une approche d’agriculture intégrée : elle s’inspire d’un élément naturel et l'insère dans le système agricole ».
Naeem avance une autre idée, qui, selon lui, risque de ne pas plaire à tout le monde : « l'agriculture industrielle peut être durable », affirme-t-il. « Les agriculteurs doivent simplement s'assurer d’avoir autant d’intrants que d’extrants. Il ne faut pas mettre de l'engrais par-dessus l’engrais par-dessus l’engrais : on fini par le retrouver dans les eaux pluviales. De nos jours, l’agriculture intelligente a recours à l’imagerie spatiale pour savoir exactement où déposer l’engrais ౼ en ajoutant juste ce dont elle a besoin pour maximiser la production ».
Il existe une autre manière de stimuler la productivité sans nuire à l'environnement : privilégier le local. « En Afrique, les gens mangent du maïs ౼ une plante du Nouveau Monde qui existe désormais dans l’ensemble de la planète », explique-t-il. « Mais imaginez ce qui pourrait se passer si nous développions des plantes africaines pour l'Afrique ; si nous utilisions la flore indigène pour produire des plantes à fort rendement bien adaptées à cet environnement ».
Une liste des tâches environnementale
La population mondiale devrait passer la barre des dix milliards d’habitants d’ici 2050 : l'industrie agricole ne peut donc se permettre de passer à des méthodes moins productives. Mais il est encore possible d’améliorer l’agriculture industrielle sans sacrifier le rendement pour autant ; les méthodes potentielles sont nombreuses. Pour commencer, le Dr Naeem propose aux agriculteurs de se concentrer sur la diversification des cultures et leur rotation afin de ramener l'azote dans le sol ; d’appliquer les intrants synthétique avec précision (ou de s’en passer purement et simplement) ; d’irriguer au goutte-à-goutte au lieu d’arroser à tout vent ; ou encore de n’avoir recours au drainage qu’en cas d'absolue nécessité.
« La liste est longue », affirme-t-il. « Je suis incroyablement optimiste quant à notre capacité à faire face à ces problèmes. Nous trouverons un moyen ౼ nous possédons les connaissances et les capacités nécessaires ».