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Les algues : un aliment écologique pour résoudre la faim dans le monde
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En 2020, 768 millions de personnes souffraient de faim chronique, selon le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies. Et avec le réchauffement climatique et l’augmentation de la population, la situation pourrait empirer. Comment sortir de cette situation dramatique ? Une des solutions pourrait se trouver dans nos mers, à nos pieds, sur la plage, sous nos yeux… Les algues !
En effet, les plantes aquatiques ont un immense potentiel pour l’alimentation. “Elles représentent une opportunité de développer une nouvelle culture qui viendrait compléter l'agriculture traditionnelle, et qui pourrait potentiellement aboutir à un moyen plus efficace de répondre à l'approvisionnement mondial en nourriture et en aliments pour animaux”, affirment les chercheurs Yasin Torres-Tiji, Francis J. Fields et Stephen Patrick Y. Mayfield de l’université de Californie à San Diego.
Un super aliment parfois oublié
Toutes les recherches menées sur les algues démontrent qu’elles figurent parmi les aliments les plus nutritifs qui soient. “Les micro-algues, spiruline ou la chlorelle par exemple, sont riches en protéines, en acides aminés essentiels, en acides gras, et possèdent un vaste éventail de minéraux et de vitamines”, explique l’entreprise portugaise Allmicroalgae, qui cultive Chlorella vulgaris, Spirulina et Tetraselmis chui. Les protéines représentent par exemple jusqu’à 70 % du poids sec de la spiruline, contre 25 % pour le soja, ou seulement 22 % pour la viande rouge. Les macro-algues marines (nori, wakamé, kombu, etc), dont le potentiel pour l’alimentation humaine est de plus en plus souligné, sont également bourrées de bénéfices nutritifs.
Cette découverte avait d’ailleurs déjà été faite par nos ancêtres qui ont su en tirer profit : “Si on regarde en arrière, les Hommes sont devenus des Hommes parce qu’ils en mangeaient massivement, en plus des huiles de poisson. C’est le seul moyen pour notre cerveau de devenir si gros”, avance le français Vincent Doumeizel, conseiller Océan au Pacte Mondial des Nations Unies, directeur des programmes agro-alimentaires à la Fondation anglaise Lloyd's Register et auteur du livre “La révolution des algues” (Editions des Equateurs, 2022).
L’Occident a abandonné leur consommation courante à l’ère romaine. Mais en Asie, elle a continué jusqu’à aujourd’hui : “notamment au Japon, en Chine et en Corée, car l’Asie n’a pas été beaucoup colonisée, que les terres y sont assez réduites, et aussi parce que la médecine traditionnelle du nord de la Chine lie fortement alimentation et santé”.
D’ailleurs, ces pays sont aujourd’hui les principaux producteurs d’algues marines. Ils regroupent à eux seuls 99 % de la production mondiale soit 32,4 millions de tonnes en 2018, pour une valeur de 11,3 milliards d’euros selon la FAO. Un chiffre qui continue d’augmenter puisque la production d’algues alimentaires constitue le secteur de production d’aliments qui se développe le plus rapidement dans le monde.
Les algues : championnes de l’agriculture durable
Outre son potentiel nutritif, ce végétal aquatique a l’énorme avantage de pouvoir être cultivé de manière durable à grande échelle. “L’algue n’a pas besoin de terre, de pesticide, ni d’arrosage. En plus, elle fournit des services écosystémiques colossaux : un habitat très riche pour la faune (coquillages, poissons) et la flore et de la nourriture pour les premiers niveaux de l’océan (phytoplancton, bivalves, etc.) quand elle se décompose”, souligne Vincent Doumeizel, qui est également à la tête de la Safe Seaweed Coalition, un groupement mondial lancé par l’Organisation des Nations unies, le CNRS et la fondation Lloyd’s Register pour favoriser le développement de cette industrie. En plus, l’algue est un formidable piège à carbone et à azote. Et ses rendements à l’hectare sont bien supérieurs à ceux des végétaux terrestres cultivés.
Entre cet espoir et la réalité demeurent néanmoins plusieurs obstacles de taille à surmonter. S’ils veulent développer une industrie de l’algue, les acteurs occidentaux doivent ainsi travailler à la domestication des algues locales afin de pouvoir les cultiver sans les enlever à la nature. “Il faut aussi que les Etats se laissent convaincre de donner des espaces en mer pour la culture”, défend Vincent Doumeizel. Enfin, un système de normes uniformisées mondiales doit être mis au point. Des pistes d’autant plus nécessaires à explorer que les algues peuvent également avoir des débouchés dans la fabrication de matériaux biodégradables, notamment pour les emballages, de carburant, ou dans le champ médical.