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Fertilisant, piège à carbone : découvrez le biochar
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Qu’est-ce que le Biochar ? Ce mot d’apparence barbare est en fait un mot valise, issue de la compression de “biomasse” et de “charbon”. Il s’agit donc d’une sorte de carbone en poudre. D’aspect banal, il pourrait pourtant bien être décisif dans la lutte contre le changement climatique. Faisons le point.
On risque fort d’en entendre parler au cours des prochaines années. Et pour cause : le biochar pourrait permettre de lutter sérieusement contre le réchauffement climatique.
Le Biochar est fabriqué à partir de biomasse - des déchets de bois, des résidus de décorticage de grains, etc. Olivier Reinaud, co-fondateur de NetZero, startup française qui dispose déjà de deux sites de production au Cameroun et au Brésil, explique :
“les plantes captent du carbone dans l’atmosphère par photosynthèse. Si on ne fait rien, le cycle naturel de la plante fait qu’elle meurt, et lorsqu’elle se décompose, celui-ci retourne dans l'atmosphère. Quand on produit du biochar, on interrompt ce cycle, on extrait ce carbone”.
Le procédé qu’il utilise est la pyrolyse. Elle consiste à chauffer à très haute température la biomasse en l’absence d’oxygène - donc sans combustion - ce qui permet de réduire des molécules complexes en molécules simples et de produire “des gaz (méthane et hydrogène, potentielles sources d'énergies renouvelables), une sorte de liquide, et le biochar, qui est donc une espèce de charbon végétale, de carbone en poudre”, ajoute-t-il.
Alors, pourquoi en parle-t-on autant? D’abord parce que, épandu sur les sols agricoles, il permettrait d’en améliorer la qualité, selon de multiples études scientifiques. Le biochar “agit comme une sorte d’éponge naturelle qui retient l’eau dans le sol”, se réjouit Olivier Reinaud, ce qui permet de lutter contre la sécheresse. Par ailleurs, il a la capacité de fixer les nutriments au niveau des plantes, ce qui permet donc d’utiliser moins d’engrais ! Autre avantage : le biochar combat l’acidité des sols.
Ses bienfaits sur les sols et sur les plantes ne sont toutefois pas les seules raisons pour lesquelles tant de monde s'intéresse à lui. “Le biochar met très longtemps à se dégrader. En d’autres termes, il permet de stocker dans les sols du carbone qui était au départ dans l’atmosphère, ce qui revient à réduire la concentration de carbone dans cette dernière, et donc à lutter contre le réchauffement climatique” détaille Olivier Reinaud.
En 2019, le rapport du GIEC le citait même comme un moyen pour maintenir l’augmentation de la température mondiale sous les 1,5 degrés, avec la re-plantation massive d’arbres, l’expansion des biocarburants, et la diminution de la consommation de charbon, pétrole et gaz.
Depuis 2020, il est possible de faire certifier des crédits carbone liés à la séquestration de carbone dans le sol par le biochar. Devenu plus rentable, le secteur est donc en plein boom.
Au niveau mondial, il est estimé par la société d’analyse de marché Data Bridge Market Research à 192 millions de dollars en 2021, et jusqu’à 498 millions de dollars en 2029 !
En juillet 2022, l’Union Européenne a ajouté le biochar à sa liste des fertilisants autorisés. Et de nombreuses startups comme les françaises NetZero d’Olivier Reinaud ou Carbonloop, l’américain Pacific Biochar, l’australien Rainbow Bee Eater, ou encore le suédois Ecoera se sont déjà lancées.
Néanmoins, certaines associations alertent déjà sur d’éventuelles dérives. C’est par exemple le cas de Biofuelwatch qui nous rappelle que la provenance de la biomasse utilisée et les risques d’accaparement des terres que l’explosion de ce business pourrait provoquer doivent être surveillés.
Le biochar doit donc donc s’inscrire dans un cycle durable et une vision à long terme. “Les systèmes de production de biochar doivent être sûrs, propres, économiques et efficaces, et doivent respecter les normes environnementales et les exigences réglementaires des régions où ils sont déployés, voire aller plus loin que celles-ci”, souligne l’International Biochar Initiative, un lobby promouvant les intérêts du biochar. Notamment en étant produit à partir d’une biomasse adaptée, à partir de déchets. Là réside désormais le défi de cette technologie potentiellement prometteuse.