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A Istanbul, on produit des biocarburants à partir d’algues
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La première bioraffinerie au bilan carbone négatif vient d’ouvrir ses portes à Istanbul en Turquie au sein de l'université Bogazici. Les chercheurs y transforment des microalgues pour produire du biocarburant, notamment destiné à l’aviation.
C’est presque les pieds dans l’eau, face à la mer Noire, sur le campus de l'Université Bogazici à Istanbul que des chercheurs s'attèlent à cultiver et à transformer des microalgues pour produire, entre autres, du biocarburant. Cette raffinerie, co-financée par l’Union Européenne et le ministère turc de l’industrie et des technologies, a ouvert ses portes en janvier 2022 dans le cadre du projet INDEPENDENT (Integrated Biorefinery Concept for Bioeconomy Driven Development). Les algues y sont cultivées dans des bassins ouverts ainsi que dans des tubes placés sous serre pour leur permettre de disposer de la lumière naturelle dont elles ont besoin.
Des microalgues pour réduire l’empreinte carbone de l’aviation
Après deux à trois semaines de culture, les chercheurs sont amenés à transformer les algues. C’est à partir des lipides produits par ces micro-organismes invisibles à l'œil nu qu’il est possible de faire du carburant pour l’aviation et le secteur automobile.
Les algues ont pour principe de se développer par photosynthèse. Elles absorbent ainsi le CO₂ dans l’air et le transforment en oxygène.
C’est ici que réside l’intérêt de la production de ce qu’on appelle désormais les algocarburants. Les algues peuvent ainsi compenser le rejet de CO₂ émis lors de la combustion du carburant. Selon Berat Haznedaroğlu, coordinateur du projet INDEPENDENT, un kilo de microalgues permet de capter entre 1,6 et 1,8 kg de CO₂. Les microalgues pourraient ainsi être un véritable atout à la production d’un carburant durable. Contrairement à d’autres biocarburants fabriqués à partir d’huile de colza, ou de soja, les microalgues n'empiètent pas sur les terres agricoles et sur les cultures vivrières. Elles poussent rapidement dans des cuves et peuvent être cultivées dans de l’eau de mer.
“En plus de cela, le CO₂ nécessaire à la photosynthèse peut être fourni à partir de gaz de combustion et les nutriments tels que l'azote et le phosphore dont les algues ont besoin, peuvent provenir des usines de traitement des eaux usées, ou les industries de transformation des aliments. Il y a donc une possibilité d’avoir un modèle d’économie circulaire et de minimiser l’impact environnemental.”
Le premier avion alimenté par des algocarburants devrait voler fin 2022
Dans cette bioraffinerie, la première en Europe à être “carbone négative” puisqu’elle est alimentée grâce à l’énergie éolienne, environ 80 % de la capacité de production actuelle est dédiée à la réalisation de biocarburant pour faire décoller un avion de la compagnie nationale Turkish Airline. “L'aviation civile est fortement réglementée en matière de sécurité. Nous devons produire du biocarburant pour tous les tests, la normalisation, la certification, avant qu'il ne soit chargé dans l'avion, explique le professeur.
L'objectif actuel du projet est de mélanger 1 à 5 % de biocarburant avec du kérosène.
Si les normes de sécurité permettent d’incorporer jusqu’à 50 % de biocarburant, encore faut-il avoir les capacités industrielles pour produire une telle quantité.
De manière générale, la route est encore longue pour fabriquer des carburants durables à grande échelle. Ils représentent aujourd’hui 0,1 % des volumes de carburants consommés par les compagnies aériennes et demeurent trois à cinq fois plus chers. Les algocarburants, considérés comme les biocarburants de “troisième génération”, restent donc encore “très minimes”, souligne Berat Haznedaroğlu : “Les principaux freins sont la faible productivité dans les bassins de culture ouverts et les besoins énergétiques pour récolter les microalgues pour les lipides”.
Au-delà des recherches menées par les équipes pour améliorer la culture et les processus de transformation des microalgues, l’idée de cette bioraffinerie réside dans le fait de pouvoir proposer un modèle viable. En déclinant la fabrication de produits conçus à partir d’algues, à l’instar des compléments alimentaires (spiruline), des engrais, de l’alimentation pour les animaux, le site ne produit pas de déchets et permet de réduire ses coûts de production. “Notre infrastructure de production est plus qu’à une étape pilote et peut facilement être transférée à grande échelle. L’objectif principal est de démontrer aux entrepreneurs, à la fois la faisabilité économique et la durabilité environnementale du projet pour des volumes importants”.
L’idée est prometteuse et se développe ailleurs en Europe ! Un projet similaire est notamment en train de voir le jour en France, près de Marseille.