Le « donut » pour gérer l’après-Covid dans les métropoles
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Aux Pays-Bas, la capitale Amsterdam s’inspire d’un modèle économique portant le nom du fameux beignet américain pour combiner justice environnementale et justice sociale. Un mouvement porté par les grandes villes du monde.
La crise de la Covid-19 aura agi comme un révélateur des fragilités de nos modèles économiques, ne parvenant pas toujours à répondre à des exigences de justice sociale et environnementale. Face à la triple crise sanitaire, sociale et économique qui en découle, les responsables publics cherchent les meilleures solutions. Et si la clé, c’était le « donut » ? C’est le pari de la ville d’Amsterdam, capitale des Pays-Bas, qui a annoncé le 8 avril 2020 un plan de relance inspiré de la théorie économique éponyme*.
Mise au point par Kate Raworth, économiste et professeure à l’université d’Oxford, cette théorie repose sur la conciliation de la justice environnementale et de la justice sociale. Dans ce modèle en forme de donut, les populations dont les besoins fondamentaux (santé, éducation, accès à l’eau…) ne sont pas assurés se trouvent à l’intérieur du trou central. Le cercle extérieur représente le « plafond écologique », soit les limites à ne pas dépasser si l’on souhaite assurer la soutenabilité des ressources naturelles.
Entre les deux anneaux se situe la zone dans laquelle les besoins humains sont comblés tout en préservant la planète. Garder ce schéma en tête permet donc de préserver les ressources, tout en accédant aux besoins fondamentaux des populations.
Atteindre une économie circulaire d’ici 2050
Pour venir en aide à la municipalité néerlandaise, Kate Raworth a dressé un inventaire des domaines qui doivent être revus selon ce modèle économique original. Le plan mis au point inclut « des changements dans le traitement des déchets domestiques par la ville, des efforts pour contrer le gaspillage alimentaire, des constructions plus durables… », précise Courrier international. Afin de parvenir à une économie circulaire d’ici 2050, Marieke van Doorninck adjointe au maire chargée de la durabilité et de l’aménagement de la ville, a ensuite réuni une commission d’élus, de citoyens et d’experts au sein du comité Amsterdam Donut Coalition.
En prenant l’exemple de la crise du logement, l’élue explique au quotidien britannique The Guardian que cette réunion a mis en lumière que 20 % des citoyens ne peuvent subvenir à leurs besoins fondamentaux après avoir payé leur loyer. Quant aux logements, ils sont construits dans des matériaux qui sont massivement importés via le port d’Amsterdam, ce qui accentue les émissions de gaz à effet de serre de la ville. Pour construire des logements bon marché et moins polluants, les constructeurs sont donc encouragés à utiliser du bois à la place du béton.
Elle ajoute qu’il est essentiel de s’attaquer à la spéculation. « Les logements ne sont pas seulement trop chers parce qu’il y en a trop peu. Il y a aussi beaucoup de capital qui circule autour du monde en cherchant des investissements, et, en ce moment, l’immobilier est vu comme le meilleur [de ces investissements], donc cela augmente les prix. »
Justice sociale et environnementale vont ainsi de pair.
Un mouvement mondial
La capitale néerlandaise n’est pas la seule à vouloir relancer son économie en intégrant ces réflexions. Los Angeles, Paris, Séoul, Lisbonne, Oslo, Montréal, Milan, Athènes… En tout, ce sont trente-sept métropoles mondiales, membres du réseau mondial C40 Cities, qui appellent à une relance économique saine, équitable et durable en s’appuyant sur les travaux de l’économiste Kate Raworth.
Au programme : la création d’économies post-Covid soutenables et bas carbone, la réduction des inégalités sociales, et une meilleure relation à l’environnement.
« Le monde est en train d’expérimenter une série de chocs surprises dont les impacts n’avaient pas été anticipés. C’est le moment pour nous de dissocier l’idée de prospérité de celle de croissance économique ».
* La Théorie du donut, l’économie de demain en 7 principes est paru dans sa version française aux éditions Plon, en novembre 2018.