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Comment protéger les habitations de la montée des eaux ?
4 min
Partout dans le monde, la montée du niveau des mers due au changement climatique menace les habitants des littoraux. Dans certains cas, ce sont des États entiers comme les Maldives ou les îles Kiribati qui sont menacés. Quelles sont les pistes pour réduire les risques ?
Sur la côte Est de l'Angleterre, le village de Happisburgh s'effondre dans la mer. Ici, l'érosion du littoral, accélérée par le changement climatique, progresse à une vitesse record. La côte recule chaque année de 1,7 mètre en moyenne. Une trentaine d'habitations, ainsi qu'une route, ont déjà sombré. Dans les décennies à venir, le cœur médiéval du village, ses 600 habitations et son église, seront inexorablement menacés de disparition : le gouvernement britannique a cessé d'investir dans la digue qui protégeait la côte, trop coûteuse pour ce petit village.
Dans le monde entier, le changement climatique redessine peu à peu les littoraux, du fait de la montée du niveau des mers et des tempêtes de plus en plus fréquentes. Pour tenter de sauvegarder les littoraux les plus peuplés, des kilomètres de digues et autres ouvrages en dur sont construits. Des plages sont également rechargées, à grands renforts de camions ou de bateaux livrant du sable prélevé ailleurs. Le plan Delta, réalisé aux Pays-Bas, est sans doute l'un des exemples les plus frappants de ces prouesses d'ingénierie. Pendant quatre décennies, des digues et des barrages ont été bâtis, des dunes rehaussées, pour contrer tempêtes et inondations dans une vaste région située à très faible altitude, voire sous le niveau de la mer...
Mais cette bataille a un coût très élevé, et quelques effets collatéraux. « On peut tout à fait fixer le trait de côte grâce à une digue, note Eric Chaumillon, professeur à l'Université de La Rochelle et au CNRS. Mais si on est sur une côte exposée aux vagues, la plage va disparaître derrière. Par ailleurs, ce sont des ouvrages très chers à construire et à entretenir, et qui impliquent de consommer beaucoup d'énergie, alors que l'atténuation du changement climatique exige de la sobriété. »
A l'île de Ré, une digue a ainsi coûté 10 millions d'euros pour moins de 1km,d'après le chercheur.
« On sait qu'on ne pourra pas défendre tout le littoral de cette manière », souligne-t-il.
Déplacés climatiques
A l'image du village anglais de Happisburgh, certains territoires envisagent déjà de reculer face aux assauts de l'océan, et de délocaliser leurs habitants. En France, l'immeuble du Signal à Soulac-sur-Mer (Gironde) est à ce titre emblématique. Victime de l'érosion côtière, ce bâtiment de quatre étages, avec vue imprenable sur l'océan Atlantique, a dû être évacué en 2014. Ses copropriétaires, considérés comme les premiers déplacés climatiques du pays, ont pu être indemnisés par l'Etat sept ans plus tard.
Un peu plus au Sud, à Lacanau, l'érosion est tout aussi spectaculaire. Le trait de côte pourrait reculer de 65 mètres d'ici 2040. Dans l'urgence, les autorités ont renforcé l'enrochement qui protège le front de mer du quartier Lacanau Océan. Mais à l'horizon 2050, un scénario plus radical est envisagé : déménager toute une partie de la ville vers l'intérieur des terres. Le projet est pour l'instant à l'étude, avec en perspective des coûts élevés et des outils juridiques incertains. Si Lacanau pourrait ainsi servir de laboratoire climatique, d'autres villes du littoral Atlantique ont été classées en zones à risque face à la montée des eaux.
« On se rend compte que ces dernières décennies, on a souvent construit trop près des côtes. Aujourd'hui, il faut arrêter, sinon on va obliger les générations futures à dépenser des sommes folles pour se protéger, et créer des situations difficiles à gérer socialement ».
Zones tampons
Protéger les enjeux essentiels avec des digues, renoncer à construire dans les zones vulnérables, reculer quand on n'a plus le choix... Dans certains cas, où subsistent de grands espaces côtiers non construits, une autre piste émerge depuis quelques années : les solutions fondées sur la nature. « Partout dans le monde, on commence à voir des zones qu'on abandonne à la mer ou qu'on renature, pour que des écosystèmes côtiers puissent s'adapter et développer une résilience face aux impacts du changement climatique », explique M. Chaumillon.
Dans cette perspective, la défense des côtes est à repenser, non pas contre la nature, mais avec elle. Un coup de pouce est parfois nécessaire pour restaurer l'écosystème : planter des végétaux sur les dunes, répandre des branchages pour limiter leur recul, creuser des brèches pour que ces monticules de sable puissent facilement se reformer vers l'intérieur des terres... De vastes espaces peuvent aussi être submersibles en cas de tempêtes et d'inondations, sans causer de dégâts. Ces zones humides peuvent abriter des oiseaux d'eau et d'autres espèces. Elles peuvent aussi accueillir des activités humaines adaptées, comme de l'élevage ovin sur des prés salés, ou des salins... Dans le Marais-Poitevin par exemple, les terres de la ferme de la Pré Mizottière avaient été endiguées pour cultiver des céréales de manière intensive. Acquises par le Conservatoire du Littoral, elles sont aujourd'hui partagées entre des prairies d'élevage et un écosystème d'étangs riches en biodiversité.