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Peut-on vraiment rendre l’aviation plus verte ?
4 min
Pour prendre l'avion sans aggraver le changement climatique, le secteur aérien doit se transformer vite : vol à l'hydrogène, appareils économes, trafic aérien limité, explorons quelques pistes !
Peut-on prendre l'avion sans émettre de CO₂ ? Assurément non. Mais depuis quelques années, le secteur aérien multiplie ses efforts pour réduire son empreinte carbone. Cette démarche n'est pas nouvelle, motivée dans un premier temps par les économies de kérosène. Depuis 1990, les émissions du secteur ont ainsi augmenté deux fois moins vite que son trafic, selon un rapport de l'Institut Montaigne.
Or ces efforts se sont accélérés face à l'urgence climatique. L'aviation totalise aujourd'hui 2 à 3% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. En octobre dernier, le secteur s'est engagé à atteindre la neutralité carbone* en 2050, dans le sillage de la France et de l'Union européenne. Pour relever ce défi, les industriels misent sur des solutions technologiques.
Changer de carburants
Leur principal levier : les « carburants alternatifs ». Au lieu du kérosène issu du pétrole, certains constructeurs promettent, dans un avenir proche, un avion volant à l'hydrogène – un carburant qui n'émet pas de CO₂. Autre piste, les carburants synthétiques, composés d'hydrogène et de CO₂ récupérés dans l'atmosphère ou à la sortie des usines. Au Portugal, on produira même du carburant à partir du CO₂ issu de la valorisation énergétique des déchets.
Clément Jarrossay, membre de l'association Aéro-décarbo et salarié de l'aéronautique, a co-écrit un rapport sur la décarbonation du secteur aérien pour le Shift Project (un think tank pour une économie moins émettrice de CO₂). D'après lui, ces solutions représentent « un énorme pari technologique. Et surtout, leur production nécessite une consommation d'électricité phénoménale. » Selon ce rapport, produire assez d'hydrogène pour faire voler les avions français en 2050 impliquerait par exemple de multiplier par 4,5 au moins le parc éolien, et le consacrer tout entier à cet usage ! Et ce à condition de tout mettre en œuvre pour réduire la consommation énergétique des avions...
Dans la même veine, les « biocarburants », issus de l'agriculture, apparaissent aussi comme une possible alternative. Mais ceux-ci sont plus émetteurs de CO₂, coûteux, et surtout, très limités : leur développement réduirait les terres disponibles pour les cultures alimentaires.
Des appareils plus économes
Autre panel de solutions mises en avant par les industriels : les améliorations technologiques des appareils. Moteurs moins gourmands en énergie, matériaux composites plus légers...
« Si toutes ces améliorations sont mises en place, on pourrait réduire de 20% environ les émissions des avions par rapport aux meilleurs appareils actuels »
Encore faut-il réussir à renouveler toute la flotte aérienne assez rapidement pour bénéficier de ces nouvelles technologies...
Reste enfin un volet important de l'impact climatique des avions : les traînées de condensation. Ces nuages effilés que l'on aperçoit parfois dans leur sillage sont faits de vapeur d'eau, qui se condense autour des particules émises par les moteurs. Ils ont un effet réchauffant sur la planète. Mais leur impact et les moyens de l'atténuer sont encore largement méconnus.
Limiter le trafic aérien
Dans tous les cas, le rapport du Shift project est formel : la courbe de croissance du trafic aérien doit être infléchie pour atteindre les objectifs climatiques. Leur raisonnement ? Si l'on vise 67% de chance de ne pas dépasser 2°C de réchauffement par rapport à l'ère pré-industriel en 2050, le secteur aérien doit, comme les autres secteurs, prendre sa part dans l'effort de réduction des émissions. En l'occurrence, il ne devrait pas émettre plus de 21.600 méga-tonnes de CO₂ entre 2019 et 2050.
Or, même en appliquant au plus vite toutes les solutions technologiques promises par les industriels – un scénario considéré comme irréaliste -, le secteur aérien dépasserait de 12% ce budget carbone (24.273 MT CO₂). Et dans un scénario un peu moins optimiste, il le dépasserait de 52% (32.800 MT CO₂).
Conséquence : la croissance actuelle du trafic, de 3 à 4% par an (hors crise covid), n'est pas tenable face à l'impératif climatique. Cette croissance devrait, selon les scénarios du rapport, être portée à +2,5% par an, voire décroître légèrement, de – 0,8% par an. Ou même davantage si ces technologies, encore loin d'être matures, ne sont pas au rendez-vous.
« Parler de réduction du trafic aérien est encore un tabou chez les industriels, leur modèle économique est basé sur une croissance », souligne M. Jarrossay. Son association, Aéro-Décarbo, s'efforce de soutenir une notion de budget carbone à ne pas dépasser, qu'elle espère voir émerger dans la législation française et européenne.
En attendant, aux voyageurs de limiter leurs vols à l'international, et de préférer, pour les trajets plus courts, le train... ou une voiture bien remplie !
L'avion émet entre 85 et 140 grammes de CO₂ par passager au kilomètre... contre 3 à 5 g. de CO₂ pour le train (grandes lignes)**.
Quant à la voiture, ses émissions sont du même ordre de grandeur que l'avion si elle compte deux passagers.
* Neutralité carbone : équilibre entre les émissions de carbone d'origine humaine et leur absorption par les puits de carbone, permettant d'atteindre zéro émissions nettes.
** Guide Infos GES du ministère de l'écologie
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Info%20GES_Guide%20m%C3%A9thodo.pdf