Challenge
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chercheur, glacier, mission scientifique
Format
24 heures

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24 heures avec une mission scientifique au chevet des glaciers

4 min

Description

Depuis 2018, l’équipe de « Vanishing glaciers », un projet financé par la fondation Nomis, arpente les glaciers du monde entier. En expédition au nord du Népal, les cinq scientifiques repoussent leurs limites pour étudier la forme de vie la plus ancienne sur Terre : les microbes. Et il y a urgence : le réchauffement climatique accélère la disparition des glaciers et de leurs ruisseaux. Avec eux, c’est toute une biodiversité encore inconnue qui s'éteint.

Components
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Après trois jours de marche, l’ultime village de la vallée du Langtang se dessine enfin. Kyanjin Gompa, petit hameau aux toits de tôle bleue, niché à 3 850 mètres d’altitude, servira de camp de base aux cinq scientifiques. Chaque jour, l’équipe effectue des allers-retours de Kyanjin Gompa vers les glaciers alentour pour effectuer des prélèvements d’eau et de sédiments et étudier les microbes qui s’y trouvent.

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Avant le départ, Martina Schön, glaciologue suisse, vérifie et prépare le matériel nécessaire : tubes à essai, sondes, gants, divers instruments de mesure, chalumeau, tamis… Il s’agit de ne rien oublier, les glaciers, situés à plus de 4 000 mètres d’altitude, sont généralement à plusieurs heures de marche du camp de base.

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Chacun de ces glaciers a été sélectionné au préalable à partir d’images satellites selon plusieurs critères dont le principal est l’accessibilité sur une journée. La plupart d’entre eux ne disposent pas de réel chemin pour s’y rendre. Il arrive que l’équipe marche des heures afin de rejoindre un site… pour rien. Certains ruisseaux sont déjà asséchés et les images satellites ne sont pas assez précises pour le déceler en amont.

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Aux premières lueurs du jour, les scientifiques se mettent en route. (De gauche à droite) Martina Schön, glaciologue suisse, Mike Styllas, géologue grec et responsable de la mission, Matteo Tolosano, naturaliste italien et Vincent De Staercke, ingénieur en environnement suisse, sont tous des montagnards et sportifs aguerris. Ils ont été choisis pour leur capacité à endurer les contraintes extrêmes de cette mission mais aussi pour leurs qualités humaines et leur capacité à vivre en groupe.

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Réunis ensemble depuis 2018 uniquement par ce projet hors-norme, ils ont parcouru la Suisse, la Nouvelle-Zélande, l’Equateur, le Groenland, la Norvège, ou encore la Russie, dans le but d'effectuer des prélèvements dans 200 glaciers du monde entier.

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Ce jour-là, l’équipe se met en marche vers Kishung, le 104ème glacier du projet. L’ascension pour atteindre 4 400 mètres d’altitude dure environ 3 heures. Mike Styllas effectue des repérages aux jumelles pour choisir l’endroit où seront effectués les prélèvements. Dans cet environnement, les risques sont nombreux et l’équipe doit notamment se protéger des chutes de séracs, des morceaux de glace qui se détachent du glacier lorsqu’il fond.

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L’un mesure le niveau d’oxygène consommé par les bactéries, un autre prélève des sédiments ou filtre de l’eau, un dernier observe la production de bactéries… Pour cette dernière expérience un échantillon de microbes est congelé, un second, prélevé au même endroit, est nourri pendant près de trois heures avec de la leucine, un acide aminé, et replacé dans l’obscurité du cours d’eau pour observer les habitudes alimentaires des micro-organismes, avant d’être congelé à son tour.

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Tout autour, le sol est jonché d’éclats de roches. Difficile d’imaginer que des êtres vivants puissent avoir élu domicile dans un tel environnement : instable, écrasé par les UV et avec des pierres pour seul nutriment. Pourtant la vie est là, juste sous nos pieds. Si ces formes de vie ont été très peu étudiées, il y a urgence. Le dérèglement climatique décime les glaciers du monde entier. Selon les estimations, entre un tiers et la moitié d’entre eux pourraient ne plus exister d’ici 2100.

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Les échantillons prélevés sont conservés dans de l’azote liquide à une température d’environ - 80 °C pendant toute la durée de l’expédition. Le niveau à l’intérieur des cuves est contrôlé chaque jour : une fuite importante pourrait remettre en cause toute l’expédition. Les tubes à essais sont ensuite envoyés au laboratoire de l’EPFL, l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, et étudiés par d’autres scientifiques.

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Le projet ambitionne de répertorier et classer toutes les espèces présentes dans les ruisseaux d’altitude. L'idée est ensuite d’établir une géographie de la répartition mondiale de ces micro-organismes et comprendre, notamment, comment ils voyagent entre les continents. « Exactement comme les microplastiques que l’on retrouve en haut des sommets de la planète, on pense qu’elles sont transportées dans les nuages, précise l’un des écologues de la mission, Tom Battin. Leurs conditions - le froid, les intenses UV et l’absence de nutriment - ne sont pas très différentes de celles des glaciers. »

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Dans le futur, l’étude de ces microbes - dont certains peuvent geler et revivre - et de leur génétique pourrait s’avérer précieuse à de nombreux égards, notamment dans la production d’énergie, la création de nouveaux médicaments ou même la compréhension de la vie sur d’autres planètes. Mais de façon bien plus concrète - et urgente -, la disparition des glaciers et le tarissement progressif de leurs ruisseaux risquent d’influer sur la quantité et la qualité de l’eau disponible plus bas. De plus, les algues et les bactéries qui y vivent aujourd’hui constituent la base de la chaîne alimentaire. La modification de leur répartition et de leur composition auront forcément des conséquences en cascade qu’il est encore difficile de mesurer.

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Après plusieurs heures de travail de terrain, l’équipe redescend vers le camp de base. Cette expédition ne verrait pas le jour sans les nombreux porteurs, dont la plupart sont originaires du début de la vallée. Vingt-deux népalais se partagent 714 kg de matériel, dont 390 kg de nourriture et de matériel pour cuisiner - dont 13 kg d'œufs, 30 de riz, 120 de fruits et 20 de poulet.

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Arrivés au bivouac du jour, à Langshisha (4300 mètres d’altitude), l’équipe monte le camp en pleine tempête de neige, par -10 degrés. Les gourdes gèlent, même à l’intérieur des duvets. Si les gestes sont identiques à chaque glacier, ce n’est pas le cas des missions. Celle du Népal, par la dureté de ses conditions, constitue une épreuve à part.

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Une fois le camp monté, Matteo profite d’un rare moment calme pour écrire. Chaque jour, il raconte son expédition dans un petit carnet. Un moyen pour lui de garder une trace de ce qu’il vit, observe, ressent pendant cette mission extraordinaire.

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Le dîner s’effectue à la lumière de la frontale, dans une bergerie qui fait office de cuisine et de lieu de vie. Ce soir-là, le cuisinier de la mission, Ambar Gurung, a préparé un bouillon pour aider les scientifiques à affronter une nuit glaciale. Le lendemain, une longue marche vers un nouveau glacier attend l’équipe.

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Fatigués par l’altitude et les jours de marche qui s’accumulent, personne ne tarde pour se blottir dans sa tente. Au total, l’expédition népalaise aura duré deux mois et demi, le temps nécessaire à l’exploration de trois régions différentes: le Langtang, les Annapurnas et l’Everest.